Après le conflit au Haut-Karabakh, l’Azerbaïdjan au défi de la victoire

La victoire dans le Haut-Karabakh, le 9 novembre, a permis à l’Azerbaïdjan de récupérer des régions perdues après une guerre humiliante contre l’Arménie, au moment de la chute de l’URSS. Leur mise en valeur comporte aujourd’hui de nombreuses difficultés.

  • Pierre Sautreuil, 
  • le 10/01/2021 à 18:11 
  • Modifié le 10/01/2021 à 18:18

Perchée sur une falaise, surplombant le Haut-Karabakh, la cité historique de Choucha fait l’objet, depuis sa conquête par les troupes azerbaïdjanaises, de toutes les attentions. Le 5 janvier, deux mois après la fin de la guerre qui a vu l’Azerbaïdjan arracher à l’Arménie une grande partie de cette région montagneuse, le président Ilham Aliyev a consacré cette ville, meurtrie par les combats, « capitale culturelle » du pays.

Son patrimoine, promet-il, sera restauré « sans perdre de temps », et un grand festival de poésie s’y tiendra dès 2021, à l’occasion duquel un nouvel aéroport international sera inauguré. Une autoroute et une voie ferrée sont également en cours de construction pour connecter cette future vitrine de la victoire à l’Azerbaïdjan. Mais les projets ne s’arrêtent pas à Choucha. À peine deux jours plus tard, le 7 janvier, Ilham Aliyev annonçait l’édification d’un second aéroport dans le Haut-Karabakh.

Comme s’il ouvrait un nouveau front pionnier, ce président autoritaire parvenu au pouvoir en 2003 scande sans trêve, depuis l’accord de paix du 9 novembre, les projets voués à mettre en valeur les territoires conquis du Haut-Karabakh. Une reconstruction qui signifiera l’ouverture d’« une nouvelle ère » pour l’Azerbaïdjan, a-t-il promis à l’occasion d’une parade militaire grandiose, à Bakou, le 10 décembre. Mais la tâche est immense, et les défis nombreux.

Un long déminage dans les régions conquises

Les régions reconquises sont jonchées de mines et de munitions d’artillerie non explosées. Des responsables de l’agence azerbaïdjanaise chargée du déminage ont déclaré que leur suppression pourrait prendre une dizaine d’années. Joint par La Croix, Hikmet Hajiyev, conseiller du président Aliyev pour les questions internationales, affirme que ce processus sera progressif, et assainira en priorité les zones habitées, afin de permettre le retour des centaines de milliers de réfugiés azerbaïdjanais, qui ont fui ces territoires lors de la conquête de la région par l’Arménie au début des années 1990.

Rares sont ceux qui retrouveront leur maison. Les dégâts infligés par le récent conflit viennent se superposer aux ravages causés par cette première guerre, et les destructions provoquées par les Arméniens dans les années qui ont suivi. La ville d’Agdam, qui comptait autrefois 25 000 habitants, est devenue une ville fantôme. Ailleurs, les infrastructures les plus élémentaires manquent souvent. D’après plusieurs experts, reconstruire la région de manière à permettre son repeuplement pourrait coûter des dizaines de milliards de dollars. Un montant qui excède de loin les capacités de l’Azerbaïdjan, dont l’économie a été percutée par la pandémie.

« Des mécanismes sont à l’étude pour attirer des investissements, comme des exemptions fiscales ou une zone économique libre, mais la priorité, ce sont les infrastructures lourdes, qui seront en grande partie financées par l’État, et par des partenariats public-privé »,explique Hikmet Hajiyev. Plusieurs contrats importants ont déjà été signés avec des sociétés turques. Difficile néanmoins d’intéresser les investisseurs internationaux sans la promesse d’une paix durable. Las, sur ce volet, les perspectives sont minces.

L’accord qui a mis un terme aux combats demeure lacunaire, et doit faire l’objet de négociations plus approfondies. Il est très probable qu’elles achoppent sur la question centrale du statut à accorder aux Arméniens vivant dans le Haut-Karabakh. Erevan fait valoir leur droit à l’autodétermination. Bakou ne veut pas en entendre parler. Or, tant que la force russe de maintien de la paix sera présente dans la région, l’Azerbaïdjan ne pourra pas – comme cet automne – recourir à la force pour bousculer le statu quo. L’absence de résolution risque fort d’écorner les perspectives de développement de la région, et avec elles, la « nouvelle ère » esquissée par le président Aliyev.

Les grandes dates du conflit dans le Haut-Karabakh

1988-1994. Première guerre du Haut-Karabakh. Les Arméniens s’emparent de la région, et prennent le contrôle de sept districts azerbaïdjanais ­alentour.

Avril 2016. La « guerre des quatre jours » marque l’échec du processus de paix sous l’égide du groupe de Minsk (France, Russie, États-Unis)

27 septembre 2020. Début de la « deuxième guerre du Haut-Karabakh ». Les troupes
azerbaïdjanaises se lancent à l’assaut des défenses arméniennes.

9 novembre 2020. Un accord de paix négocié par l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Russie acte la défaite arménienne. Les régions occupées depuis 1994 par l’Arménie sont rétrocédées à l’Azerbaïdjan.

https://www.la-croix.com/Monde/conflit-Haut-Karabakh-lAzerbaidjan-defi-victoire-2021-01-10-1201134084